La combinaison rouge
mercredi 26 octobre 2005Titi n’aime pas se lever tôt. A sept heures du matin il dors encore dans son lit. Et seulement à huit heures il se lève pour aller se promener.
Je vous présente mon chien Titi. C’est un Shih-Tzu de six kilos âgé de cinq ans, couleur beige, un poil abondant. Les pointes des oreilles, les coussinets de ses pattes, la pointe de la queue, tout le museau jusqu’au front, la truffe, la machoire et, bien sûr, ses gros yeux ronds, sont noirs. La langue est rose. La poitrine est blanc-crème. Le poil, qui pousse vers le haut sur le front, donne bien l’aspect d’un chrysanthème comme chez tous les Shih-Tzu.
Titi a du caractère. C’est une personnalité.
Aujourd’hui, à huit heures, comme d’habitude, j’ai jeté un coup d’oeil par la fenêtre : il pleuvait. Il pleuvait si fort qu’un tulipier à feuilles jaunes et un pin vert en face de ma fenêtre paraissaient gris derrière le voile blanc de la pluie. Le thermomètre indiquait sept degrés. Pas étonnant : on était le mercredi 29 octobre 2003.
Mais Titi n’avait rien à craindre. Il a plusieurs manteaux de pluie. Pourtant il me semblait que ces petits vêtements ne le protégeaient pas assez. Son joli ventre et ses pattes étaient toujours mouillés. Donc je lui ai acheté une belle combinaison rouge imperméable avec une glissière sur le dos. Et j’ai decidé de la lui mettre aujourd’hui. Je lui ai annoncé cet heureux évènement.
Je dois vous dire que je parle à mon chien. Ça peut paraître drôle. Mais si vous voulez bien vous entendre avec votre animal, il faut le faire. Essayez et, très vite, vous verrez qu’il comprend absolument tout. Seulement Titi comprend tout ce qui lui est favorable et prétend ne pas comprendre ce qui ne lui plaît pas.
Nous sommes descendus dans le vestiaire. J’ai montré à Titi la belle combinaison rouge.
-Titi, regarde ! C’est une combinaison ! Elle te protégera mieux de la pluie. Ton ventre et tes pattes resteront secs. Tu auras plus de plaisir de te promener.
Titi a observé le vêtement, mais il ne l’a pas flairé. Ce n’était pas un bon signe… J’ai commencé à l’habiller de façon très délicate : patte après patte, un deux, trois, quatre; maintenant la glissière et voilà mon Titi tout beau et prêt à partir dans sa combinaison rouge toute neuve.
Je suis vite allée mettre ma parka noir « speciale pluie, promenade Titi » et j’ai appelé Titi, parce qu’il ne m’a pas suivi comme d’habitude. Bizarre… Où est-t-il ?
Il n’avait pas bougé de sa place. Il etait debout et regardait le sol.
-Titi, allons ! J’ai ouvert la porte. Titi n’a pas bougé. J’ai tiré sur la laisse ; il a fait quelque pas et s’est arrêté. J’ai tiré encore. On est sorti dans le jardin. Il n’a plus bougé, cette fois définitivement.
On dit que les Shihs-Tzus sont têtus. S’il ne veulent pas, il ne le font pas.
En forçant sa résistance je l’ai fait sortir dans la rue. Mais il est devenu impossible de continuer de cette façon. Titi m’a résisté avec toutes ses quatre pattes. Il n’a pas voulu me céder. Il a pris l’air d’un pauvre petit, il a freiné avec ses pattes comme s’il voulait dire aux passants : « Regardez ! Je suis un pauvre animal maltraité. J’ai un méchant maître. »
J’ai décidé de faire des concessions. Il fallait qu’il s’habitue à sa nouvelle combinaison. Après on verrait.
-Titi ! J’ai dit d’une voix pleine de douceur.
-Allons faire les poubelles ! Titi a fait semblant de ne pas entendre, mais il a commencé à marcher très lentement. Nous avons fait le premier gazon ! Ah ! Maintenant il trottait. Il s’est dirigé vers la première poubelle, bien sur ! La combinaison ne le gênait plus. Heureusement, le service de nettoiement était déjà passé. C’était propre. Mais pour Titi les merveilleuses odeurs étaient toujours là. Il examinait le gazon autour de la poubelle centimètre par centimètre pendant dix minutes de suite.
Il pleuvait des cordes. Sous mon gros parapluie bleu j’attendais. La rue était déserte. Neuf heures du matin : les gens étaient partis au travail, les mamans et les enfants restaient à la maison. C’était les vacances de la Toussaint.
La voiture de police est alors passée lentement dans la rue. J’ai aperçu trois visages tristes derrière les vitres mouillés. Tout à coup le conducteur a tourné la tête vers nous. Et tout de suite-beaucoup d’animation dans la voiture. Les policiers ont commencé à parler entre eux. Ils pointaient le doigt vers Titi. Maintenant je voyais trois visages souriants et joyeux.
-Titi ! Ta combinaison rouge a du succès, ai-je dit. Titi n’a rien répondu, il trottait vers la deuxième poubelle.
En trois-quart d’heures de promenade nous en avons visitées quatre ! Titi est revenu très heureux et satisfait. En plus, il était persuadé que, maintenant, il avait une arme contre moi-« la combinaison rouge. » En la portant il fera tout ce qui est interdit de faire normalement. Mais moi j’ai eu une autre idée.
Octobre 2003